Le Zéro déchet

Je comprends ce qu’est le zéro déchets, mais ce que je ne perçois pas forcément très bien, c’est que l’impact du “zéro déchets” sur l’individu lui-même et sur l’usage de son habitat. Au-delà de l’impact global sur l’environnement, qu’est-ce que ça change sur l’appartement, sur l’usage de l’appartement – ou sur l’individu ?

Cela change l’usage de l’appartement parce que, en réalité, on a alors une façon d’aborder les déchets différemment. Si on passe en zéro déchets, on a besoin forcément d’un compost, ou d’une poubelle à compost. Vous avez des villes, comme San Francisco et Montréal, qui ont déjà mis en place ça. Je sais que Paris l’a fait sur les 2e, 12e et je ne sais plus quels arrondissements. Ils essayent d’avoir une poubelle à compost, mais si vous n’en avez pas, il va falloir composter chez vous. Il va falloir installer une aire de compostage, soit dans la cour soit chez vous. Le « zéro déchets », ça change aussi la cuisine ou la salle de bain. Ainsi, l’utilité du frigo ou notre façon de cuisiner peuvent être changés. Parler de zéro déchets, c’est aussi se dire « combien je consomme en énergies ? »… Donc, c’est vraiment travailler sur l’utilisation même de l’énergie à l’intérieur de l’appartement, sans pour autant changer les apports. Pour ça, il y a tout un univers qui s’appelle l’univers low-tech. Low-tech c’est la basse consommation d’énergies, peu ou pas d’énergies… On peut très bien avoir un frigo low-tech, tout une cuisine low-tech, qui consomme beaucoup moins d’énergies qu’une cuisine classique.

Et on trouve où ces équipements… si on va dans un grand magasin d’équipements de la maison, on trouve les équipements pour se doter d’une cuisine low-tech ?

Malheureusement, non ! Pourtant, c’est très accessible, il faut pouvoir la designer et un peu la fabriquer soi-même. C’est très facile, on peut très bien construire, enfin réduire son frigo et passer à des frigos à l’ancienne. Nos grand-parents ne mettaient pas les fruits et légumes dans le frigo, ils avaient…

Un garde manger …

Voilà, tout à fait, un garde-manger. Vous pouvez avoir même des « frigos du désert », des frigos inspirés du modèle africain qui ne nécessitent pas d’énergies à part de l’eau, et qui gardent au frais certaines denrées. Evidemment, tout ce qui est denrée fragile, type viande, lait et puis éventuellement des bouteilles d’alcool qu’on voudrait mettre au frais, il faut effectivement un frigo, mais du coup il est beaucoup plus réduit. C’est un exemple.

Mais cela change aussi la manière dont on va faire ses courses ? C’est plus facile, si on est à proximité de petits commerces ou alors carrément à la campagne. Ça change aussi la manière de consommer ?

Je ne dirais pas que ça change, on revient juste à des choses qui sont plus logiques. Je ne connais aucune ville ou aucun quartier où il n’y a pas de marché. Le marché a toujours existé, et le marché c’est toujours la façon de consommer plutôt local et d’éviter d’avoir trop de déchets, trop d’emballages… Je ne dis pas de ne plus aller au supermarché, mais par contre je vais dire « moi je n’ai pas de commerce adapté », peut-être, mais en tout cas il y a toujours les marchés à côté, et ça a toujours existé. Il faut juste se libérer un samedi matin ou un dimanche matin pour pouvoir y aller.

Et la permaculture, en quoi est-ce que ça change la manière d’habiter son logement ? Et donc en quoi cela pourrait contribuer à une meilleure santé ?

Déjà, la permaculture inclut le « zéro déchets ». C’est vraiment, pour moi, la philosophie numéro un qui globalise un peu le tout. La permaculture, c’est assez complexe à comprendre, mais plus on va dans la littérature, plus on comprend. La permaculture va permettre d’aborder de manière globale un problème et d’y apporter une solution qui va respecter une éthique qui vise à prendre soin de l’humain, prendre soin de la Terre, avoir une production et en partager éventuellement les surplus… C’est l’éthique principale.

Ensuite la Permaculture va permettre à ce système-là de fonctionner de manière plutôt abondante. Le but, c’est d’avoir une récolte, et de manière résiliente – c’est-à-dire que, face à une difficulté ou un choc, on est censé pouvoir garder notre jardin… Une notion un peu difficile à expliquer que cette notion de résilience…

Concrètement, votre idée, c’est quoi ? Installer des potagers aux fenêtres, dans des cours intérieures, sur les toits ?

La permaculture, elle va partir de l’humain, c’est-à-dire de ce dont a besoin l’utilisateur du bâtiment : est-ce que j’ai besoin de me nourrir ? Est-ce que j’ai besoin de convivialité ? Est-ce que j’ai besoin de plus de santé ? On part vraiment des besoins des personnes et, en fonction, on élargit à l’environnement. Puis, on va aussi faire la liste des ressources que l’on a à disposition, et la liste aussi de ce qui pourrait être apporté par le voisinage, la ville, etc… C’est là où commencent ce qu’on appelle le design et donc la conception. C’est un travail identique à celui que fait un programmateur ou un architecte, sauf qu’on prend en compte tout et qu’on s’en sert pour designer le bâtiment. Peut-être qu’à la fin, effectivement, si on sait que c’est plutôt des familles qui vont y habiter ou des résidents qui restent pratiquement toute l’année dans leur bâtiment, hors vacances évidemment, on pourra envisager de mettre des potagers sur le toit.

Je vous propose de vous livrer à un exercice un peu prospectif… Comment est-ce ce que vous portez pourrait être intégré à cette promesse logement santé que porte le groupe VYV et son entité Groupe Arcade-Vyv ? En quoi pourriez-vous contribuer à cette promesse d’un logement qui soit plus favorable à la santé de ses habitants ? Et en quoi cela pourrait-il modifier la façon de faire d’un bailleur social pour commencer ?

Pour un bailleur social, je trouve que l’approche est très intéressante puisqu’elle va toucher directement l’utilisation d’un bâtiment, tout ce que le bâtiment va consommer, tout ce qu’il va subir comme affres du temps. Tout ça, c’est pour moi une approche très importante, car on va avoir les deux côtés du métier : d’un côté le maître d’ouvrage, qui va concevoir un bâtiment qui est prévu pour la santé, de l’autre l’exploitant qui va récupérer ce bâtiment et le faire vivre.

Sur ces deux éléments-là, c’est intéressant puisque l’exploitant et le maître d’ouvrage sont les mêmes. On peut donc avoir un suivi de la vie du bâtiment et, ce qui est intéressant, en tout cas du point de vue d’un bailleur social, c’est de pouvoir se dire « moi je vais consommer beaucoup moins en énergies, je vais produire moins de déchets, je vais avoir des habitants qui vont rester peut-être plus longtemps, des gens qui vont être plus apaisés, plus contents de vivre ici. Il y aura donc moins de dégradations, les résidents prendront davantage un soin du bâtiment ».

Par contre, cela fonctionne si – et seulement si – on accompagne les utilisateurs dans l’utilisation de ce bâtiment-là, donc si on les forme au zéro déchets, à l’entretien d’un potager en permaculture, à l’utilisation de l’électricité, de l’eau aussi… Tout cela relève de l’approche « zéro déchets ». Il y a toute une éducation, une formation, à donner aux personnes, qui est très simple, adapté à l’homme et qui part du bon sens. Je sais qu’il y a des villes comme Roubaix qui sont des villes pilotes, qui ont mis en place de telles formations à destination des familles – et, pour le coup, ils ont vraiment ciblé des familles défavorisées alors que, en général, le zéro déchets est plutôt tenté par une classe sociale supérieure, intellectuelle, etc… Là, ça a été appliqué à des personnes défavorisées et ça a été un succès immense. Des personnes ont pu sortir de leur dette puisque c’est aussi des économies d’argent pour les gens. C’est un cercle vertueux, tout simplement.

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